Dans le cadre de l'exposition La force de l'Art 02, Julien Prévieux présente un dispositif qui rejoint certaines de nos préoccupations : le livre et une fable.
Voilà pourquoi nous avons décidé de nous pencher sur son installation et tenté de comprendre ce qu'elle nous dit.
De cet artiste, nous connaissons le travail empreint d'ironie ( Lettres de non-motivation, édition Zone - La découverte) qui jette sur notre époque un regard sarcastique qui nous conduit à revoir nos certitudes.
Dans la cellule blanche qui lui est réservé sous la nef du Grand Palais, J. P. a posé deux types d'objets :
de grands panneaux noirs (tableaux noirs) chargés de diagrammes complexes qui semblent vouloir livrer des clés pour comprendre notre rapport aux connaissances et qui, en fait, rendent ce qui devait être expliqué, encore plus obscur, confus, inaccessible,
un grand meuble-bibliothèque empli de livres datant de deux ou trois décennies, au titre souvent prétentieux, au contenu obsolète.
Dans cette volonté d'embrasser toutes les connaissances à notre disposition il y a un penchant ridicule comme dans Bouvard et Pécuchet, et un vain sentiment de puissance comme celui ressenti par l'internaute devant son écran
Pourtant, cette pulsion à collecter, ranger, ordonner nous renvoie aux techniques plus qu'anciennes exposées par Frances A. Yates dans L'art de la mémoire ; considérant le meuble-bibliothèque, revient à l'esprit Le théatre de mémoire de Giulio Camillo (p166).
Un autre souvenir s'impose sans que le lien soit évident (peut-être la lumière laiteuse dispensée par le luminaire) : la bibliothèque circulaire du British Museum récemment absorbée par la verrière de Norman Fooster.
Que nous dit en fait cette présentation ? Le lien que nous établissons immanquablement entre ces ouvrages (la bibliothèque) au contenu dépassé (U.R.S.S., le pays où le soleil ne se couche pas, E. Schulthess, 1971) et la fatuité de la schématisation (tableaux noirs) des connaissances contemporaines, démontre la fragilité de nos certitudes et la vanité du présent qui croit mieux comprendre le réel que ne l'a fait l'époque passée…
Pourquoi le sentiment qui nous prend alors, est-il empreint de tendresse pour tous ceux qui ont cru savoir et en fait ont été contredit par les faits et le temps qui passe ?
Sans doute y-a-t-il un effet de miroir qui nous conduit à modérer nos prises de position radicales et à imaginer le regard de la génération à venir ?
un peu d'humilité !
jl.
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